Protection des zones piétonnes, des effets à long terme

3
minutes,
23/9/2024
Sécurité

Toutes les villes étendent leurs zones piétonnes, c’est une tendance franche pour les capitales et les villes touristiques. Paris envisage un centre-ville piéton ou semi-piéton sur 4 arrondissements.

Pour les villes de taille plus modeste ou possédant une attractivité touristique moindre, la problématique reste la même avec des enjeux différents.

Mais partout se pose une même problématique, celle de la protection des piétons en milieu urbain.

Dans cet article, nous répondons aux principales interrogations et vous offrons les dernières orientations des experts de ce domaine.

Une obligation de protéger

Bilans et chiffres

Le bilan des accidents piétons est sans appel pour les villes. Si les derniers chiffres sont tempérés par les différentes vagues de confinement liées au COVID, les pourcentages restent stables.

559 piétons tués en 2016.

En 2017, ce sont 484 piétons tués et 4 439 blessés et hospitalisés. 48 % des piétons tués avaient 65 ans ou plus. 64 % des piétons sont tués par un véhicule de tourisme, 12 % par un poids lourd ou un véhicule de transport en commun et 10 % par un véhicule utilitaire.

En 2021, parmi les victimes de la route en France, on dénombre 414 piétons, 24 usagers d’engins de déplacement personnel (comme les trottinettes électriques) et 227 cyclistes. *

Les piétons représentent 16 % de la mortalité routière en France et 16 % des blessés graves.

En ville

En 2021, 300 piétons sont décédés en agglomération, majoritairement heurtés par des véhicules lorsqu’ils traversent la rue. Pourtant, dans les deux tiers des accidents mortels, cette traversée s’effectue dans les règles, c’est-à-dire sur un passage piéton ou à plus de 50 mètres d’un passage piéton. *

* (Études et chiffres de la sécurité routière)

Le piéton est l’usager le plus fragile de la rue et de la ville.

Le Code de la route regroupe sous le terme « piéton » les marcheurs, personnes en fauteuil roulant et rollers.

La protection du piéton
La protection du piéton

Les études prouvent que les victimes piétonnes n’ont pas été prises en compte par le conducteur du véhicule. En effet, dans la grande majorité des cas, aucune manœuvre d’évitement n’a été entreprise avant l’accident.

Bien sûr, c’est une lapalissade, mais il faut rappeler que le piéton n’a ni carrosserie, ni pare choc, ni airbag. Pourtant le ratio vitesse/distance est rarement respecté en ville entre véhicules et piétons (il doit être de 6 km/h à 1 m).

Le mobilier urbain de protection piéton

Il serait pourtant injuste de ne pas reconnaître les efforts continus des autorités locales pour sécuriser les aires piétonnes et protéger les individus.

Protection des trottoirs et des passages

On trouve communément :

  • Les barrières de rue ;
  • les potelets de trottoir ;
  • les bordures de trottoirs ;

Ce sont des équipements qui servent à la fois d’anti stationnement en contribuant à la sécurité des piétons. Les barrières continues devant les écoles ont prouvé leur efficacité.

Protection des passages piétons exposés

Les barrières de rue, potelets et bordures sont renforcées de bornes anti bélier sur les zones piétonnes sensibles. On trouvera donc des bornes fixes de défense complétant l’équipement de certains passages piétons : 

  • sur les passages de forte affluence traversant des axes à grandes vitesses ;
  • sur les îlots centraux des avenues à circulation dense pour protéger un passage piéton ;
  • aux abords des aires piétonnes lorsqu’elles entrent en contact avec une artère fréquentée.

Protection des piétons de nuit

L’équipement des passages piétons par des luminaires spéciaux avertissant les automobilistes du risque apporte une sécurité accrue. En effet, les piétons sont les premières victimes de la diminution de luminosité d’automne. Le nombre d’accidents piétons augmente de 42 % entre octobre et novembre avec le passage à l’heure d’hiver.

La sécurisation des zones piétonnes

Les zones urbaines plus ou moins étendues dédiées aux piétons bénéficieront d’un aménagement de sécurité particulier.

Ces zones sont : 

  • les aires piétonnes, zones de commerce, zones touristiques ;
  • les voies piétonnes traversantes à forte fréquentation ;
  • les zones de rencontre (pistes cyclables et voies piétonnes) souvent périphériques d’aires piétonnes ;
  • les places, mails, foirails (piétonnisés à temps complet ou périodiquement) ;
  • les promenades, bords de rivière, piste de jogging, les accès aux parcs et jardins, aux plages en milieu urbain, etc.

Ces zones bénéficieront d’une sécurisation périmétrique réalisée à l’aide de bornes de différents modèles.

On trouvera des bornes fixes pour les alignements qui seront de certification anti bélier pour les endroits « sensibles » en contact avec des voies de circulation.

Le déploiement des bornes doit rendre l’espace réservé aux piétons hermétiques aux véhicules. C’est la base de la sécurisation.

Mais ces zones essentiellement piétonnes nécessitent cependant des accès pour les véhicules de certains usagers.

La régulation d’accès aux zones piétonnes

La régulation d’accès à une aire piétonne se fait à travers un équipement matériel sur la voirie lui-même géré par des moyens numériques.

La régulation des accès voirie

Les accès aux zones piétonnes par des rues circulantes sont gérés par des bornes automatiques rétractables (également appelées bornes automatiques escamotables ou bornes électriques).

Ces bornes peuvent présenter différents niveaux de résistance à l’impact. Elles sont cylindriques et interdisent le passage des véhicules non autorisés.

La borne est commandée à distance depuis une borne totem enregistrant les demandes des usagers.

Hiérarchisation des accès

Pour une sécurisation réelle de la zone piétonne, il convient de déterminer qui aura accès au passage.

La protection de la zone piétonne passe par la réduction du nombre de véhicules pouvant accéder au même moment au quartier piéton, mais également par l’identification de chaque accédant.

On trouvera : 

  • Les riverains ;
  • les commerçants (souvent nombreux dans les zones piétonnières) ;
  • les livreurs (des commerces et des résidents) ;
  • les agents des services publics et privés (La Poste, Engie, EDF, maintenance fibre…) ;
  • les agents des services techniques de la ville ;
  • les services de secours ;
  • les services de police ;

Sans oublier, dans le cas où la voie est traversée par une ligne

  • les transports en commun (bus et tram).

Les moyens de commande des bornes totems sont nombreux, choisis en fonction de la fréquence d’accès :

  • Les télécommandes et les badges nominatifs sont les plus courants.

Les badges se déclinent en version sans contact (comme ceux des télépéages qui apposés sur le pare-brise du véhicule sont détectés par une antenne ou avec contact sur une borne de commande. Les télécommandes fonctionnent comme pour l’ouverture d’un garage ou d’un portail.

  • les smartphones et les smartWatch [montres connectées] avec un code d’accès enregistré.

Un dispositif qui évite d’acheter et de gérer télécommandes et badges. De plus, tout est chargeable et contrôlable en ligne.

  • les caméras LAPI, caméra reliée à une banque de données qui ouvre l’accès après la lecture de la plaque d’immatriculation. 

C’est un moyen rapide, mais qui concerne uniquement les véhicules enregistrés ?

  • Audiophonie et visiophonie : une borne totem équipée d’un micro, d’un haut-parleur et d’une caméra permet de dialoguer avec le poste de contrôle [ou le PC sécurité] qui autorise l’accès. 

Ce dernier procédé double généralement les précédents afin de permettre la possibilité d’accès exceptionnels.

Les bornes d’accès sont reliées à des superviseurs comme VIASOFT GDA et VIASOFT GTC. développés par CITINNOV qui permettent la gestion des accès, leur programmation et leur historique.

Comme on le voit, la protection des zones piétonnes passe par un ensemble de moyens techniques, mais également par une conception différente de l’espace urbain.

Zones piétonnes, protections périphériques

Comme vous avez déjà pu le constater, les abords des zones piétonnières sont souvent dotés d’un aménagement spécifique. D’une part parce que la piétonnisation fait partie d’une politique globale de la ville, d’autre part car ces aménagements amènent une sécurisation périphérique de la zone piétonne.

Ces aménagements particuliers matérialisent : 

  • une zone 30 ;
  • une zone de circulation apaisée ;
  • une zone de rencontre. *

*Retrouvez les mots de la ville ici.

Zones de circulation réglementée
Zones de circulation réglementée

Ces zones de circulation réglementée développées dans l’optique d’une ville apaisée participent aussi à la protection des piétons en induisant un comportement différent chez les automobilistes. Zone de rencontre, zone 30 et zone de circulation apaisée changent la hiérarchisation en donnant la priorité au piéton, l’usager le plus fragile qui y est lui-même averti de ses devoirs et rappelé aux bonnes pratiques par une signalisation spécifique.

Ouvrir l’espace public à toutes et à tous 

Protéger les zones piétonnes revient également à les faire vivre. Or, plusieurs études pointent des disparités flagrantes chez les usagers de la ville.

Équiper l’espace public pour…

Des équipements spécifiques doivent être mis en place à la périphérie et dans les zones piétonnes pour une protection accrue des personnes à mobilité réduite (PMR) et des personnes aveugles et malvoyantes (PAM).

P.M.R et P.A.M

Un large ensemble législatif (décrets, arrêtés) organise le déplacement des personnes à mobilité réduite, aveugles ou malvoyantes au sein de la ville.

Cet ensemble de textes créé depuis une vingtaine d’années a pour but de faciliter le déplacement dans l’espace public de ces personnes par la normalisation des équipements.

Toutes les bornes de protection et éléments de sécurité doivent répondre à des normes quant à leur implantation. Par exemple, l’espacement entre les bornes d’un alignement doit permettre le passage d’un fauteuil roulant.

Les bandes d’éveil à la vigilance ou bandes podotactiles alertent de la sortie d’une zone piétonne et conduisent au milieu d’un espace libre.

Les abaissements ou la suppression des trottoirs doivent être partout opérés pour permettre la circulation des fauteuils roulants.

Depuis 2019, l’installation d’un passage piéton est soumise à la loi d’orientation des mobilités n° 2019-1428. Ces aménagements qui rendent possible le déplacement des personnes handicapées remodèlent la ville en la rendant plus ouverte.

Personnes âgées

La disparition des bancs et des toilettes de l’espace public pour cause d’utilisation principale par les sans-domiciles fixes a eu pour conséquence d’éloigner les personnes âgées de l’espace public. En effet, une personne âgée qui a gardé sa mobilité a toutefois des besoins plus fréquents de se reposer.

Les bancs publics sont donc des éléments indispensables de l’espace piéton si l’on veut qu’il soit partagé par les plus vieux d’entre nous.

Un espace public masculin

C’est une problématique qui comporte plusieurs aspects. Un des plus médiatisés est la masculinisation des noms de rues et de places. Seulement 6 % de la voirie française porte un patronyme féminin.

Mais un autre aspect plus insidieux qui relève de la protection des zones piétonnes fait apparaitre que les adolescentes sont les moins représentées dans l’espace public.

En effet, les Skates parcs et autre Play grounds ouverts au public sont largement occupés par les garçons. Il en va de même pour toutes les aires piétonnes ouvertes aux activités de loisir.

Les raisons sont multiples (mise en garde de l’entourage, danger potentiel d’accrochage avec des groupes masculins, mauvaises rencontres), mais reviennent toutes au manque de protection réel et/ou ressenti de la part des adolescentes; mais aussi des femmes dans leur ensemble.

Cet état de fait engendre un abandon de l’espace public par les femmes à partir de l’adolescence. Elles y circulent donc en groupe et plus rapidement, et donc n’en profitent pas à l’égal des hommes.

C’est un domaine de la protection des zones piétonnes à développer d’un point de vue humain et pédagogique.

Quelques conditions à réunir pour réussir une protection efficace des piétons

Protection efficace des piétons
Protection efficace des piétons

La protection des piétons commence dès la conception de l’espace piéton et des zones spéciales.

L’étude devra mettre en lumière les types de déplacement de l’ensemble des usagers pour chaque élément de voirie visé par un aménagement afin d’adapter au mieux son équipement.

La topographie d’un quartier sera également prise en compte. Il y a des lieux plus favorables que d’autres à la piétonnisation. Certains croisements sont accidentogènes et d’autres naturellement calmes.

La protection des piétons passe par un changement des habitudes de tous les usagers de la ville.

Les équipements tels que les bornes de protection conduisent à des changements. Mais leur implantation devra être entourée d’une pédagogie qui amène l’ensemble des habitants et des usagers à accepter ce changement.

Pour réussir, le passage en zone piétonne d’un centre-ville commerçant est souvent précédé par la construction de parkings et la mise en place de stationnements attractifs à ses abords.

Ainsi, l’autorité en charge du projet pourra déterminer au mieux les objectifs par rue, évaluer les cohérences par rapport aux commerces et protéger l’espace piéton en faisant accepter les changements sur la circulation des véhicules.

Le développement de la piétonnisation repose sur des enjeux simples. La protection est le vecteur principal de la réussite puisque naturellement, l’usager de la ville veut être en sécurité et se déplacer en toute quiétude.

La sérénité qui en découle contribue à l’apaisement global de la ville et change son visage à long terme.

Lire aussi :

Citinnov
Besoin de discuter de vos projets d’aménagement urbain ou de sécurité ?